Ma Guerre
Le carnet de guerre du Sous-Lieutenant Roger Mouchel pendant la campagne de France du 10 mai au 25 juin 1940 .
VN 1er Juin 1940 . 6h Rapport au Commandant : Il faut remettre ça ce soir . 10h Le faible enthousiasme des gars : Même scénario et même heure H . Sgt Le Bahy : Je ne marche pas ! 14h Lt Cathelin et Dumont . On reprépare . On mesure la largeur des deux écluses . Les deux biefs ne sont pas égaux . 17h Réunion des types et laïus : Il faut me suivre . 23h Passage au poil . Pas un bruit pendant la pose des passerelles et le passage un par un . En allant en D, Abd-El-Kader, le Caporal Cf Chantourry et moi sautons sur une mine . Abd-El-Kader grièvement blessé à la poitrine, au bras gauche et au genou droit . Le Caporal Cf Chantourry plus de 200 éclats sur le corps : cuisse, fesses, dos, bras . Moi par miracle : 3 éclats dans la cuisse gauche, 1 dans le mollet . L' arrière de ma capote déchiqueté . Cinq minutes d' observation puis je donne le signal du repli . Les mitraillettes et les fusées partent à gauche . Repli dans l' ordre .Abd-El-Kader ne veut pas quitter le bord du canal avant que l' on me ramène . Il me croit mort . Dumont a très peur . Les blessés sont emmenés au PC . Du sang partout . Sur deux battants de porte . je fais emmener mes blessés par 1 section . La route du PS est bombardée . 24h Le Commandant me demande au téléphone : " Mon petit, c' est bien …. C' est très bien ……. " sa voix tremble .
VN 2 juin 1940 . Dimanche . 1h30 Je rejoins Dumont au PC de la Compagnie . Les mortiers tirent toujours . Des trous d' obus sur la route . Ma jambe me fait mal . Je ne peux pas dormir . Je pense à un plan de grenade pouvant constituer une mine et qu' on irait poser de l' autre côté du canal . 4h Compte-rendu au Commandant . En voyant ma capote : " Vous, vous pouvez dire que vous en avez de la chance " . 48h de repos à tous ceux qui ont participé au coup de main . 5h C.R au Général commandant la 23ème DI . Visite à mes blessés . 7h Le toubib m' enlève les éclats et me fait un pansement . 11h Je prends un bain . Je ne m' étais pas déshabillé depuis le 13 mai 1940 ! 15h Proposition de citation à la 23ème DI : " Jeune officier courageux et plein d' allant . Dans la nuit du 1er au 2 juin 1940, a effectué un coup de main sur l' écluse de Viry, a été légèrement blessé par l' explosion d' une mine allemande, a assuré avec sang-froid le repli de ses hommes " . Abd-El-Kader et Chantourry sont cités . 22h Je vais placer des mines anti-char à l' écluse de Viry . Je traîne la patte …… mais la vie est belle , jamais je n' ai eu autant de prestige et de confiance en moi . Je suis obéi au moindre de mes gestes . VN 3 juin 1940 . 1 journée de sommeil 15h : Visite de la compagnie, ça tient splendidement . Les hommes sont très chics surtout avec moi . V.N 4 juin 1940 . 1h30 Note de l' officier de renseignements du 32ème RI : " D' après interrogatoire des prisonniers, crainte de coup de main entre le pont de Viry et le pont de Coudreu ( ??? ) . Renforcez les services de garde " . Mise en alerte . 2h30 L' artillerie ennemie bombarde avec violence, est-ce la préparation ? 4h Le jour se lève, il ne s' est rien passé . 15h Reconnaissance du 107ème RI sur nos positions . On va être relevé ce soir à 19h . 19h Relève . Silence, ordre impeccable . Aucune réaction en face . 20h30 Rassemblement et attente dans Viry-Noureuil . 21h30 Départ vers Chauny puis vers Mondescourt . 23h On marche . L' artillerie tire formidablement du côté de Ham . VN 5 juin 1940 . 1h La route Chauny - Noyon est bombardée, changement d' itinéraire . 2h Les hommes sont fatigués . L' étape se révèle longue . La section de tête marche trop vite . La compagnie s' étire sur la route . 2h30 Un trou s' est formé entre la section de tête et le reste de la compagnie . Reconnaissance des cyclistes . 3h30 Le jour commence à poindre, nous marchons toujours . 4h30 Tout le monde se retrouve à l' entrée de Mondescourt - Logement dans des granges évacuées . 7h Bombardement formidable tout autour de nous, ça tire partout . Des avions plein le ciel . 7h30 Il paraît que les boches ont attaqué et passent le canal . 8h Ordre de reprendre des positions pour tout le CID . Dumont me donne trois sections la mienne, la 3ème et la 5ème . Mission défendre le village de Marest vers le sud et l' est . Il défend Dampcourt avec le reste de la compagnie . 8h15 En reconnaissance à bicyclette vers Marest et Dampcourt, nous sommes accueillis à coups de mitraillettes . La route est battue par les boches installés dans les arbres au bord du canal 11h Mes trois sections sont installées . Dumont m' a donné en plus un GM . ( Chef Genreau ) . 12h Contre ordre . Il fait une chaleur étouffante . La 3ème section ira sur le canal en avant de Marest renforcer le GRD . La 5ème section ( Prost ) sera mise à la disposition du Chef de bataillon dans Mondescourt . 15h Avec mon groupe de commandement ( Martineau - Merlan ) je fais la sieste à mon PC, petite maison verte, 1 seul guetteur au grenier avec le FM . Le chef Paquet vient en side-car me rendre compte de l' installation de la 3ème section ( trou de 500m à droite, difficultés de terrain ) . Le chef Paquet repart avec le side juste devant mon PC . Je m' installe pour rendre-compte à Dumont . Le side n' a pas fait 100m que 12 obus tombent sur le PC . 9 sur la maison,3 sur la route et les abords . La maison est éventrée, la glace de la cheminée et le buffet criblés d' éclats . Le fusil de Fabre est cisaillé à trois mètres de moi . Tout le monde se retrouve dans les groseillers du jardin . Personne n' a la moindre égratignure, même le guetteur qui est tombé d' un étage avec le plancher et qui trouve le moyen de sauver son FM . Calibre des obus : 105 Conclusions : - L' observation allemande fonctionne bien - J' ai de la veine, de la Baraka - Le PC change de place . 18h Les avions boches nous survolent . Mitrailleuses et FM tirent dessus . 20h Installation définitive dans une ferme S du pays . Mise en place du système de guet . Aucun ravitaillement de toute la journée . J' ai mangé du chocolat et suppé 5 œufs frais . Nuit calme . 1 seul guetteur par groupe . Ronde à 23h . RAS . Marest-Dampcourt . jeudi 6 juin 1940 . 5h A Dampcourt rapport à Dumont des évènements de la nuit, demande de munitions . Le Commandant vient : Les Allemands ont passé le canal de l' Ailette . La 4/4 a contre - attaqué hier soir avec des chars ….. en avant de Morlincourt . Le Boche a été ramené au canal . 8h Retour au PC de Marest . Toilette et dormir . 14h Dumont en visite de compagnie . En se rendant à la 3ème Section au passage à niveau , tirs de fusants . Aucun blessé mais …… tout juste . Observation : Le bruit de la bataille s' éloigne à droite loin vers le Sud . M.D. vendredi 7 juin 1940 . 2h : C.R. de Le Ber : le 107 et le G.R.D.I s' apprêtent à décrocher . Je rends compte à Dumont . 3h20 Une compagnie du 107 passe sur la route . 3h45 Le G.R.D.I part avec ses motos . Il fait encore nuit . Nous sommes seuls . Le Ber s' affole sur le canal 4h30 Bombardements par canons puis les avions lancent des bombes derrière nous . La ferme de mon PC a deux trous dans la cour . Rien . Nous habitons la cave, ça tire fort au Sud . Pas d' ordre que faire ? Mon GM a été détruit . 5h Ordre du Commandant Girard : " Rester sur place quoiqu' il arrive " . 8h Les Boches ne sont pas encore passés le canal . Secteur relativement calme . Le Ber gueule . 11h Ordre de repli . " S' installer défensivement au N du carrefour N de Dampcourt face à l' W . 11h20 J' effectue le repli de mes 3 sections . Je suis avec ma section . Dampcourt est déjà occupé par les allemands . Je fais passer à l' W du village . Les Boches nous tirent dessus . Une mitraillette nous gêne ... elle est bousculée par le FM du 1er groupe . 12h Nous nous sommes installés face à l' W et nous avons reçu des balles venant du S.E . Toute la 4/27 complètement isolée est maintenant en ligne face au S et à l' E . Le Sgt Lebahy a été tué par un éclat d' obus . Plusieurs mitrailleurs sont blessés . Dumont n' a plus la liaison avec le commandement . On tirera nos cartouches et puis on verra après . " Brûle tes papiers et tes cartes " . Je creuse mon trou en ligne avec la section . Quelques rafales de mitraillettes auxquelles les FM répondent . Rien à manger, pas une goutte d' eau . Il fait une chaleur étouffante . Dans les chaumes où nous sommes, pas une miette d' ombre . La terre est dure d' être sèche . Les balles soulèvent de petits nuages de poussière . Lerat est parti avec mon vélo mais il me rend compte qu' il a tout laissé parce que ça tirait . Je perds toutes mes affaires : capote, toile de tente, musette, appareil photo, harmonica ….. 13h Ordre de repli apporté par le Chef Fritsch . Mondescourt est bombardé . " Se replier à volonté . Point de regroupement Sermaize au delà du canal du Nord " . 14h Les allemands tirent mal, ils n' ont pu nous empêcher de gagner Grand'Ru . Traversée des bois d' Autrecourt . Je porte un FM . Les types suivent comme ils peuvent ….. ils sont crevés . Rencontre du toubib : Je pleure . ( fatigue, découragement, spectacle lamentable de cette armée française qui s' en va …. ) des voiturettes passent, des blessés se trainent . La grande nouvelle : la 4/134 a contre-attaqué . Vitte est grièvement blessé . Une rafale de mitraillette en pleine poitrine côté gauche . " Il ne s' en tirera qu' avec beaucoup de veine " . Le Sgt Buret ramène un homme aux yeux bandés . Baignard est parti chercher mon vélo, on ne l' a pas revu . 17h Arrivée aux Usages . Les allemands en moto passent déjà sur la route Noyon - Ham . Nous filons direction Crisolles . 18h Tout le C.I.D est couché sur les bas côtés de la route . Les avions allemands nous survolent . Ils ont déjà mitraillé la route . Sous un arbre un Capitaine et un homme du 107 râlent . Ils sont criblés de balles . Pas une goutte d' eau et guère le temps de les soigner ….. Quand les avions seront partis il faudra s' en aller . Tous les villages environnants flambent . Les Boches s' amusent dans le ciel . Dumont fait utiliser la voie ferrée, bonne initiative . Il sauve sa compagnie ! Le Lieutenant Maître tasse sa pipe nerveusement . Nous n' en pouvons plus . 19h Traversée de Bussy . Le T.R. du 32ème RI est resté sur la route . Les voitures sont brûlées . Les chevaux blessés et tués empestent l' atmosphère . Quelques conducteurs sont morts avec leurs chevaux . Les bêtes maintenues par les brancards ont une triste gueule . 21h Traversée du canal du Nord . Les avions reviennent . Encore quelques bombes . Là c' est le 241ème RA qui a été démoli sur la route . Les canons de 155 sont restés, quelques uns sont coupés par l' explosion des bombes . De nombreux artilleurs jonchent les vergers environnants . Un homme a été coupé en deux contre un arbre . Les allemands, à voir les dégats, ont certainement employé des bombes de 100 kgs . Sermaize est un brasier puant . Des caissons d' obus brûlent et sautent . 23h La 4/27 est rassemblée dans les fermes à l' W de Sermaize, la 4/134 doit se former au centre du pays . La 4/4 n' existe plus . Les Boches qui ont passé le canal en face de Morlincourt ont dû l' anéantir . Le commandant me fait appeler : " MOUCHEL , la 4/134 n' a plus d' officiers, il faut en prendre le commandement, l' adjudant Michel prendra votre section" . La 4/134 elle est quelque part par là ….. centre de Sermaize . Je sors, il fait nuit noire et pourtant tout est éclairé par l' incendie . Je suis seul . Je cherche la compagnie que je commande . J' ai trouvé le Capitaine Jeanne , le seul qui soit revenu de la section de commandement . Renseignements, il n'y a plus que 3 Sgts Chefs , quelques sergents et caporaux, environ 200 hommes . Plus de voiturettes de mitrailleuses, les hommes ont ramené 3 pièces à bras . Sermaize, samedi 8 juin 1940 . 0h Je rends compte au Commandant de la situation : " Vous ferez ce que vous pouvez . Cherchez des voiturettes dans les débris des convois sur la route" . 2h Je n' ai pas trouvé de voiturettes . J' ai vu les derniers éléments du 32ème RI s' en aller . D' après un Lieutenant nous n' avons plus que quelques motos derrière nous . Des fusées partent à droite et à gauche, tout près . La fusillade n' est pas loin . 2h30 J' ai rendu compte au Cdt . Il est allé à l' ID 23 . Plus personne . Il paraît qu' il faut se replier vers Lassigny . Le Cdt a trouvé dans un fauteuil avec une couverture sur le dos …. l' Aspirant Vitte !!! : " Mon Commandant, ils m' ont laissé là ! " . Le Cdt a fait embarquer Vitte sur un side du G.R.D.I qui passait . Pour un blessé du poumon, c' est moche . Le Cdt en avait bras et jambes coupées ! . 3h On repart . Rassemblement ordre . Quand même et malgré tout . Marche à travers des pays qui ont presque cessé de brûler . Encore des voitures en morceaux, des chevaux éventrés . Lagny est démoli et la route impraticable tant il y a de décombres et de trous . Il faut contourner le pays . Lassigny : une sanitaire a brûlé avec ses blessés dedans . Un colonel a été tué dans sa voiture de liaison . Quoiqu' on fasse le C.I.D s' allonge sur la route . Les hommes n' en peuvent plus . En route j' ai récupéré les voitures de la 4/134, avec celles de la 4/27 elles ont échappé à tout . Les fourgons de l' EM et de la 4/4 ont brûlé à Lagny . 12h Arrêt dans le bois S.E de Lassigny . Arrangement avec Gaudillère, on donne des vivres aux hommes . Café chaud . Une merveille ! 14h Sans ordres . Burgère est parti chercher la 23ème DI . 15h Marche jusqu' au bois de Thiescourt . 19h Mes cuisiniers font le tour de force de donner un repas chaud à toute la compagnie, ça semble bon . Ils m' ont même déniché une " bouteille de pinard de précision " . Début de réorganisation . Contrôle nominatif . Longue note sur le fonctionnement de la compagnie . Quelques hommes de la 4/4 arrivent avec leur voiturettes sans mitrailleuses . Je touche les voiturettes et les mulets . Le Chef Berger me rejoint : Le fourgon de la 134 est resté on ne sait où avec le Sergent Reby . 21h Les avions nous survolent, c' est une habitude ….. mais ils lancent des fusées juste sur nos têtes . Serions nous repérés ? Toute la nuit il passe des chars et encore des chars . Les 155 tirent loin devant nous . Le bruit court que les divisions coloniales sont montées et vont contre-attaquer . Bois de Thiescourt, Dimanche 9 juin 1940 . 3h Le Cdt est parti avec sa voiture chercher la liaison avec la 23ème DI . 7h Départ . Un de mes hommes m' a récupéré un cheval ….. me voici officier monté . La compagnie a la garde du convoi . Routes encombrées . Croisements de troupes . Voitures plein le chemin . Traversées de villages avec embouteillages parisiens . Oh que je n' aime pas ça !!! 12h Arrêt après Villers s/ Coudun . Camouflage, mise en ordre des derniers papiers fournis par les chefs de section . Etat des armes, des munitions . Je fais tuer une vache trouvée dans un champ . Nous sommes en pays évacué . Les hommes ont découvert un dépôt de vin . 14h Préparatifs de départ . Les hommes ont trop bu . Il fait chaud . Je fais vider un fût de gnôle dans l' herbe . Quelques uns ont gueulé mais c' est tout . Marche pénible en plein soleil sur une route sans ombre . Retrouvé Sébillotte de la 4/4 . 16h Les allemands bombardent notre colonne par canon . Pas un blessé . Les avions vont bombarder Compiègne . Ils passent bas . Les hommes s' enfuient, pas moyen de les rassembler . Le Cdt Girard est au désespoir . C' est Dumont et moi qui mettons en batterie contre avion . 17h Une partie des hommes est revenue . J' engueule mes sous-officiers . Il faut s' organiser défensivement autour du PC du colonel du 126ème RI . 3 installations successives dans des champs de blé en herbe où la marche est difficile . Le Colonel nous fait traverser plusieurs fois le grand plateau pour nous dire des généralités . Dispositif très compliqué . Mission de la 4/134 : " Protéger la batterie Gort ( anti-char ) " .
19h J' envoie l' Aspirant Sébillotte à mes roulantes . Il me ramène des hommes de la 4/134 . Ils racontaient que j' étais parti, que ce n' était plus la peine de rester là . 20h Le 126ème RI défile sur le chemin N.S. " Nous restons là ….. " puis les coloniaux s' en vont . Les artilleurs ont l' ordre de repli . Les allemands envoient quelques obus sur la crête devant nous . Sous le hangar le toubib soigne un type d' un G.R.D.I . Il a été blessé par balles à moins de 1000 m . On lui touche la cervelle . Le moral des hommes baisse encore . Il n' y a pas d' eau . 21h Toute ma 4ème Section est partie . 22h Les fusées partent à gauche derrière nous . Les Boches sont déjà là bas ! A droite Compiègne brûle . Derrière nous une grande tache de feu, sans doute Senlis . 23h Ordre d' aller s' installer dans un bois à 2000 m de là vers l' W . Rassemblements des sections, distribution de vivres . Ma S.M. ne vient pas, Maître va la chercher . Gaudillère amène un paquet de lettres, des vieilles . Marche vers le bois . Un avion illumine la route avec une fusée . Traversée de Lachelle . En arrivant en arrière du bois ce sont des français qui nous tirent dessus . Ils nous avaient pris pour des boches .Et justement ils viennent du bois que nous devions occuper . Ils n' ont pu s' y tenir . Les Boches sont en force . Décision du Commandant : On se replie . Marche dans la nuit : Des fusées de tous côtés, des coups de mitraillettes, toujours vers le S. la grande lumière d' incendie , je n' y comprends plus rien . A chaque pause il faut réveiller les hommes pour repartir, ça marche comme ça peut . Pauvre fantassin ! La Croix St-Ouen, 10 juin 1940 . 6h Nous passons l' Oise à la Croix St Ouen où nous retrouvons le 32ème RI et une D.C.I ( sénégalais ) . 14h Projet d' embarquement à Bois le Chêne puis contre ordre . La Croix St-Ouen est bombardée . Un mort du 126 . 19h Saint - Sauveur . Le plus bel embouteillage qui soit . Les avions allemands survolent . Rien ne se passe . Début de panique . 20h Montée vers la crête . L' artillerie allemande bombarde la montée dans la route encaissée . Rassemblement sur la crête derrière les communs du château . Des fusants juste à notre départ . Marche en direction de Baron, le plus grand foutoir imaginable : Artillerie et chars sur la route, de l' infanterie et des cavaliers partout . Des fusées allemandes à l' ouest . Sur notre droite une grande ferme brûle sur une crête . Plusieurs fois le C.I.D coupé : " Faites passer ça ne suit pas " . Les batteries d' artillerie galopent dans les champs où les fantassins s' endorment . Le Byrik ( ? ) du commandt . Baron . Dimanche 11 juin 1940 . 3h30 Arrivée à Baron . Tout le monde se retrouve par miracle . La 4/27 a traversé les A.P du G.R.D.I 87 juste au lieu où 10 minutes avant les cavaliers avaient tué 3 motocyclistes boches . 4h30 Les boches sont à 800 m . La mitraillette claque . Les hommes sont incapables de se battre . Il faut repartir . Nous n' en pouvons plus . C' est tragique et fou . 6h Passage dans le nuage artificiel . Traversée de la ligne de sécurité de Paris, beaucoup d' artillerie . 10h Embranchement . Meaux ou Paris ? Nous n' avons plus d' ordres . 14h Arrivée à St Soupplet . Retrouvé le PC de la 23ème D.I . Des civils ! Assez mal reçus . Fermier et chevaux . Douyère me trouve une chambre . Manger et dormir . Saint-Soupplet . 12 juin 1940 . - Comptabilité . - Contrôle nominatif . - Etat des armes et des munitions . - Etat des blessés et disparus 20h30 Ordre de départ . Le canon gronde tout prêt . Il faut passer la Marne cette nuit . Embouteillage avec le train sanitaire . Les hommes boivent plus que de raison . Nouvelles : Evreux et Rouen sont aux mains des allemands . Douyère pleure sur le bord de la route . J' essaie de le consoler …..! Le 32ème RI embarque dans les autobus . Nous marchons à pied . Prise d' un type louche : Alsacien . 4ème C.R.V. Lampe de poche . Parachutiste ? Pont-Carré, le 13 juin 1940 . 4h Passage de la Marne à Lagny . Remise du "parachutiste" aux gendarmes de Lagny . Pour passer Lagny 4 km en 3 heures . Des convois encore des convois 10h Les hommes traînent de plus en plus . Beaucoup boivent, ou pillent les cafés évacués . Dégoût de cette animalité ! Je gueule, je cogne . Les hommes sont des salauds, je ne respecte plus rien, je les fais marcher et je suis écoeuré . Le Commandant impose encore la discipline . Sur notre passage entendu : " Enfin une unité en ordre ! " . Arrêt dans le bois de Pont-Carré . 19h30 Départ de Pont-Carré : crevé pneus de vélos . L' ordre c' est l' ordre . 2 conseils de guerre . Marche éreintante : 35 km tout seul dans la nuit parmi la cohue que nous poussions en avant . Dumont est comme moi : crevé et écoeuré . Bréau, le 14 juin 1940 . 6h Arrivée à Bréau . Cantonnement dans le Parc du Château . Repas des hommes avec les vivres de l' Intendance . Il pleut . Trempé jusqu' aux os . 13h Départ de Bréau . Il faut passer la Seine ce soir . 60 km à faire . Les avions nous survolent toujours, mais ils semblent avoir pitié de nous . 19h Grande halte . 3 km avant la Seine . 21h Le Commandant réquisitionne des camions qui passaient vides . Nuit formidable . Des camions sur toutes les routes . Passage de la Seine à Vuillerme . Traversée de Fontainebleau . Erreurs de route . La Chapelle la reine . Discussions . Bouron Marlote, 15 juin 1940 . 3h La forêt de Fontainebleau est en feu . L' artillerie tire . Les avions passent dans le soleil à peine levant . 6h Péniblement nous avons rassemblé les restes du C.I.D . Les cyclistes, les piétons, les camions, le convoi hippo tout est là ……. Mais combien fatigué . 14h Conseil avec le commandant : Discipline ; Ordre ; Contrôles à jour . 16h30 Embarquement en chemin de fer, sur wagons plats . La gare a été bombardée . Les avions passent sans rien faire . Des évacués sur toutes les routes . Ils mendient leur nourriture . Nuit en chemin de fer : " On roupille " . La ferme de Coulon, le 16 juin 1940 Dimanche . 9h La voie menant à Gien a été bombardée, nous voici partis pour Briare 12h Arrivée à Briare . Halte près du pont du canal . Les hommes se lavent . Je perds le Caporal André . Le C.I.D repart . Il n' y a pas de troupes de défense de la Loire . Passage à Autry le Chatel . Etape dure, il pleut . Les allemands bombardent Briare et Gien . Ils passent sur la route . Les hommes sont fatigués . Le C.I.D s' étire . 20h Epuisé le C.I.D s' arrête à la ferme " Le Chêne " à côté de Coulon . Logement de la Compagnie dans deux fermes . Les habitants nous font une omelette et me donnent un lit . Impression d' être au repos . Ce soir tout est calme . S' il n' y avait pas les réfugiés ce ne serait pas la guerre ! La ferme du Coulon, le 17 juin . Repos . Arrêt . On attend nos roulantes et notre T.C. qui fait mouvement par la route . Dans la journée, le canon tonne devant le 141ème RIA au Pont de Sully . Parlementaires : Capitaine Richter . Réponse 11h le pont saute Bombardement prolongé . Un GRD à cheval monte sur Gien . Nos logeurs s' évacuent . 21h Le Caporal Prost et les ordonnances du C.I.D Gray, Hoche reviennent de Gien . Le convoi ne passera pas, le pont a sauté 300m devant nos chevaux . Maître et Filigat restent avec les voitures . La ville est un enfer, les avions la survolent sans cesse . Les maisons brûlent des deux côtés de la grande rue . Les chevaux des convois prennent peur et partent à fond de train . Des femmes et des enfants évacués, fous de peur, se précipitent , sous les roues des fourgons lancés au galop . Nous avons perdu là nos roulantes, nos fourgons avec nos cantines, nos mitrailleuses nos mortiers de 60 sur les voiturettes . Bois de Nancay 18 juin . 1h Réveil . Sébillotte est parti chercher le ravitaillement, il faut se remettre en état de marche . 3h On a touché le ravitaillement . Chaque homme emporte ce qu' il peut : viande crue, pâtes, boules de pain, riz . Etape avec les tirailleurs sénégalais et les convois d' artillerie : Passage à Argent . 8h Aubigny s/Nère . Changement de direction . Bourges est déclarée ville ouverte . Je perds Dougère et Jacques partis en avant chercher du pain . Douyère emmène mes affaires sur le vélo . 11h Pause à Ménétréole s/ Sauldre . Triste sologne ! Artilleurs coloniaux . Infirmières d' Orléans . Repas de pâté et de sardines avec du chocolat . 19h Bois de Nancay . Toilette à l' abreuvoir . Prisonniers boches dans le village . Sommeil sans même une couverture . Bourges est envahi par les allemands dit la rumeur . Saint-Hilaire de Court, Mercredi 19 juin 1940 . 2h30 L' Aspirant Sébillotte a réussi à récupérer une camionnette du train et à nous ravitailler . Distribution foutoir 3h30 Départ 10h Passage à Vierzon . On dirait un bataillon en manœuvre . Beaucoup d' ordre ….. Dans la ville atmosphère de panique, les gens manquent de calme . Les rues sont encombrées de réfugiés . Les croix noires nous survolent . Le pont n' a pas été atteint . 15h Arrivée à St-Hilaire de Court . Dans le Parc du château avec le 442ème . Nous n' avons plus de roulantes et presque pas de campement . Les hommes se débrouillent . Pleurs de rage, d' impuissance, de fatigue et de solitude . 18h Des avions à cocarde tricolore viennent nous survoler . Ce ne sont pas des Français mais des Italiens . Ils nous mitraillent . 2 hommes sont tués sur la route à côté de leur voiture, les chevaux sont abattus . Compte rendu moral et matériel au Général Duchemin, commandant la 3ème DLI . Quelques heures de repos au château avec le Lieutenant Cathelin . La Chapelle Saint-Laurian, le 20 Juin 1940 . 1h Départ de Saint-Hilaire de Court . Il fait nuit mais un beau clair de lune . La 4/134 marche très correctement en colonne par deux . Le jour se lève . Il semble qu' il y a moins de "pagaille" , il n' y a plus d' évacués . Traversée de Vatan, en ordre . 8h Arrivée à la Chapelle Saint-Laurian . Sébillotte fait abattre une vache . Très bien reçu par les fermiers . Lorsque nous arrivons le 220ème Pionniers s' en va . 21h Embarquement en camion par la 3ème DLI . 35 hommes par camion . Pas de vélos . Direction Vandoeuvre puis Scoury . Routes encombrées par l' artillerie et un dépôt d' Infanterie qui fait sa première marche .Les camions se perdent de vue . Nombreuses erreurs d' itinéraire . L' un des camions de Dumont prend feu, on le tire en remorque . Plus de 100km pour en faire une quarantaine . Scoury le vendredi 21 juin 1940 . 0h Nous roulons toujours ! 4h Arrivée à Scoury . Pays plein d' évacués alsaciens, on ne trouve rien même pas un œuf . Cantonnement sur la pelouse du jardin du Docteur . 19h La femme du Docteur m' invite à écouter la T.S.F . Les pourparlers de paix sont engagés . Cette atmosphère familiale me fait mal . Où est-il mon " chez nous " ? Les Boches sont à Rouen . 21h30 Départ de Scoury dans l' Indre . Passage à Ciron et Bellabre . Bois de Nems . 22 juin 1940 . En marche des cris dans la nuit : " La pause " ….. " doucement en tête " . Ralante du Commandant . Lacheté des hommes . 2h Arrivée bois de Nems . Il pleut à torrents . Nous sommes mouillés jusqu' aux os . Je n' ai pas encore récupéré de capote et de couverture, je n' ai même pas une toile de tente . Je dors en vareuse à même le sol mouillé, dans le fossé de la route . 18h Départ du Bois de Nems pour aller embarquer à la gare de la trimouille avec les tirailleurs sénégalais . Arrêt auprès de la gare . Mes hommes veulent tuer 2 prisonniers boches . Le départ est dans 1h . Mes hommes me font du chocolat . Defrance m' amène sa couverture . 24h Nous n' avons pas embarqué . Bois Sainte Anne 23 juin, dimanche . 2h Un wagon a déraillé sur l' aiguille et il est impossible de le retirer . 3h On embarque dans des wagons sur la voie de garage, uniquement pour passer une nuit à l' abri . Il pleut encore . 5h Débarquement et départ à pied pour la gare de Journet . Perte du Sgt Robert endormi à une pause . 7h Pause dans le bois voisin de la gare de Journet . J' achète du pain pour les hommes . 7h45 Embarquement à Journet sur wagons plats avec les tirailleurs sénégalais . 14h Arrivée à Bellac . Ventre creux . Marche à pied de 11 km . Les hommes se traînent . Pause en plein soleil . Des réfugiés nous montrent un journal : " L' armistice est signé avec l' Allemagne . Les hostilités prendront fin quand les Italiens auront signé . La guerre continue " . 18h Arrivée à Bois Sainte Anne . Ravitaillement par Sébillotte . Installation dans le bois 20h Déjeuner de nouilles et de boîtes de singe ( 1er repas de la journée ) . Le soir la pluie reprend . Perissat, lundi 24 juin 1940 . 8h Le 10ème RACT passe sur la route ( artillerie de la 3ème DLI ) . Pas un avion, grand calme . Toilette . Ordre du jour du Général Fougère commandant le 24ème C.A . 13h Ordre d' embarquement en camionnette . Il pleut et tout est trempé . 16h Les camionnettes ne sont pas encore là 18h Nous partons à pied jusqu' à Mézière s/ Issoire . 19h Embarquement à Mézière s/ Issoire dans le petit train départemental : Nouic - Saint Junien . 21h Débarquement à St-Junien . Le génie mine le pont ! Etape St-Junien - Périssat . Cantonnement dans Périssat . Pas de ravitaillement ce soir . Rien dans le pays surpeuplé d' évacués . Pas de chambres . Coucher pêle-mêle Chef de Bataillon, Docteur, moi avec l' EM du Bataillon dans la paille . Mine d' or de Laurieras . Mardi 25 juin 1940 . 10h Ravitaillement de Sébillotte A la radio paraît-il les hostilités ont pris fin ! 15h Embarquement par les camionnettes du train . Passage à Saint Yrieux . Une grande ville ! 21h30 Débarquement à Mine d' or . Un bon repas Un lit que je partage avec Dumont chez les Monchaty . 0h35 Signe de deuil cafés consignés . drapeaux en berne . Pas de musique .

MAI 1940

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