Meknès , le 14 novembre 1941 . Petit frère , Je reçois ta lettre du 7 novembre . Elle est très amusante . Je conçois que pour les Français , actuellement , la pipe au coin du feu soit une histoire de fou ou plutôt un paradis perdu . Ici le tabac n' est pas rationné mais petit à petit les restrictions viennent quand même ... Autrefois nous n' avions de carte que pour l' huile , la savon et le sucre maintenant il y en a pour le riz et la viande mais nous sommes encore loin de vos rations .... nous avons 90 grammes de viande par jour ce qui est encore correct . Pour le vêtement nous en sommes au régime des bons d' achat ... lorsque l' on veut quelquechose on signe un bon d' achat à la mairie , au fond c' est assez facile et cela permet encore de se vêtir convenablement . Pour me tirer d' affaire , encore plus convenablement encore j' ai écrit à la maison de m' envoyer mes affaires . Il serait ridicule d' acheter un nouveau manteau militaire ici tandis que j' en ai un à Rouen .... d' autant plus que la tenue risque de changer . J' espère que Maman comprendra , c' est bien d' astiquer mes affaires en pensant à moi mais quand même .... D' ailleurs je laisserai à Maman mon sabre , mon casoar, mes épaulettes et mes gants blancs , c' est plus qu' il n' en faut pour assurer mon souvenir ....Ne crois-tu pas ? Il paraît que mes bottes ont été transformées en pot de fleurs ( pour faire pendant de chaque côté de nos photos ) il doit y avoir une plante verte dans chaque . Je t' embrasse petit frère que j' aime , j' espère que tu iras bientôt voir mes plantes vertes sur le buffet . ROGER .RETOUR